I - DÉFINITION D'UN CHAMPS THÉRAPEUTIQUE



hypnose et catharsis



"Par mon travail psychique je devais vaincre chez le malade
une force psychique qui s'opposait à la prise de conscience
(au retour de souvenir) des représentations pathogènes."

[Freud - Etudes sur l'Hytérie", p.216]




                 Recherche d'un sommeil artificiel, massages du corps et prescriptions de bains furent retenus pour quotidien des séances thérapeutiques entreprises avec Emmy Von N.

Ceci en vue de favoriser des conditions propices à l'élaboration d'une reviviscence d'éléments clefs du vécu mouvementé de cette patiente :

"J'avais besoin de l'hypnose pour élargir le champs de la mémoire et pour découvrir les souvenirs pathogènes non présents dans la conscience ordinaire". [Ibid. p.215]

Des éléments traumatiques non assimilés et toujours actifs dans l'inconscient tourmenté du névrosé, qu'il va être question de faire resurgir à la conscience et ainsi parvenir à susciter l' abréaction d'affects pathogènes dont la représentation initiale, intolérable, a été refoulée. Soit, amener peu à peu l'expression de décharges libératrices initialement liées à des représentations pernicieuses, source d'oppression pour le sujet, et témoignant d'un mode de défense du moi qui n'est pas suffisamment opérant.

Il s'agit par conséquent de l'application naissante par S. FREUD d'une version similaire au procédé "cathartique", ainsi nommé par J. BREUER afin de souligner son caractère de ''purification'' à l'égard de souvenirs psychologiquement pénibles.
Un travail de verbalisation qui correspond à la période 1880-1895 de l'histoire de la psychanalyse et qui, même s'il ne produit pas des résultats spectaculaires, est utile pour freiner les manifestations pathogènes ainsi que pour limiter des ravages difficilement réversibles du type de certaines névroses aiguës, qui éventuellement peuvent se conclure par une psychose avérée sinon par une démence précoce.

Toutefois, pour ce qui concerne les hystéries chroniques (avec production modérée mais constante ; auxquelles la maladie de Emmy me semble participer, malgré quelques temps d'accalmie et certaines phases plus aiguës), S. FREUD nous signale qu' "écarter les symptômes, supprimer les modifications psychiques sur lesquelles ils se fondent, c'est redonner aux malades la pleine et entière disposition de leur pouvoir de résistance". Il convient alors de renforcer les résistances du système nerveux par "surveillance prolongée et un ramonage temporaire" [Ibid. p.213], afin de ne pas laisser le patient être submergé par sa maladie, en lui permettant de garder un certain contrôle de la situation et d'ainsi, pouvoir agir contre les attaques intempestives inhérentes aux poussées délirantes ou autres résidus symptomatiques :

"Ma thérapeutique" précise t'il, à reprendre le cas de Emmy, "s'adapta à l'allure d'une activité mnémonique très poussée et chercha, jour après jour, à dissiper et à liquider tout ce que la journée avait ramené à la surface, jusqu'à ce que la réserve des souvenirs morbides parût épuisée ".

Aussi est-il nécessaire pour ce faire d'"avoir à peu près deviné la nature du cas et les motifs de la défense" [Ibid. p.229], "en renonçant à pénétrer directement jusqu'au coeur de l'organisation pathogène" [Ibid. p.236] :
- Tenter peu à peu de désarmer cette défense en se laissant guider par les états de tension du patient.
- Faire en sorte qu'elle soit relevée et assimilée. Ou mieux, remplacée par des représentations plus puissantes.

Par ailleurs, il faut savoir que la psychothérapie par catharsis n'est pas sans engendrer quelques difficultés :

Il s'avère en effet qu'elle nécessite un engagement important de la part du thérapeute, et ceci sur une période relativement longue, pour la majorité des cas traités. De plus, du fait des caractéristiques particulières de ce mode thérapeutique, S. FREUD souligne qu'il est nécessaire que le patient soit d'une part, pourvu d'un " certain degré d'intelligence " [Ibid., p.213] et, qu'il manifeste part ailleurs une totale adhésion, ainsi qu'une large confiance quant aux décisions et à la personnalité du médecin.

Le facteur affectif impliqué dans la relation met également un accent non négligeable sur l'importance du tempérament du soignant : sa capacité de maîtrise notamment, alors qu'il se doit d'assumer différentes positions éventuellement complexes et ambiguës, en gardant toujours à l'esprit les limites d'exploitation de chacune de ces investigations.

Il est notable par exemple qu'avec Emmy, S. FREUD se positionne autant en rôle de ''confesseur'' ("qui grâce à la persistance de sa sympathie et de son estime une fois l'aveu fait, donne une sorte d'absolution"), que d' ''instructeur'' ("là où l'ignorance a provoquée quelques craintes"), sinon de ''professeur'' [Ibid., p.228] .

Toutefois, il me semble à propos, principalement compte tenu des exigences d'un suivi psychothérapeutique et ce, malgré la formation médicale de S. FREUD, de se demander si la part de l'investissement, les promenades, les déjeuners communs, les massages et le temps consacré au soin de cette malade, sont réellement raisonnables (des attitudes qui ne seront pas reprises à l'avenir).

Toujours est il qu'afin d'éviter la création de nouveaux symptômes consécutifs aux conditions de la thérapie, S. FREUD décidera pour ce même suivi, de premières modifications à la technique de J. BREUER, en la conjuguant d'une part avec l'alitement du patient (ainsi coupé du regard de l'analyste et plus à même de mettre en scène la dimension transférentielle des souvenirs et de l'imaginaire) et, d'autre part, avec la méthode de Weir-MITCHELL [Ibid., p.63 & 215] qui consiste en une cure de suralimentation dosée en fonction des caractéristiques de chaque sujet. Ceci en se méfiant toutefois de l'apparition de rêveries nuisibles à la cure, consécutives à ce type de prescription.

Une approche soumise également à l'analyse du thérapeute qui, pour Emmy, s'est avérée être d'autant plus efficace que les symptômes étaient traités en profondeur, c'est à dire, combinés verbalement à l'ensemble des représentations leur étant associées.

Des éléments de vie retracés de façon d'autant plus vive et active qu'ils constituent un terrain lourd en retombées psychologiques et qui, loin de gêner l'évolution de la cure viennent éclairer le thérapeute quant à l'orientation du traitement.

Face à des symptômes douloureux tels que ceux d'Emmy, "il s'agit, dans une analyse, de supprimer un symptôme capable de s'intensifier ou de réapparaître" [Ibid., p.240] . Puis, vers ce même objectif, de "faire cesser la résistance pour permettre alors la libre circulation d'une voie jusqu'alors barrée" [Ibid., p.235] .

Aussi S. FREUD choisissait-il avec Emmy de suggérer sous hypnose un comportement d'amnésie vis à vis de séquences douloureuses. Ce qui ne manqua pas de se répercuter fâcheusement en de sérieuses pertes de mémoires. Au grand dam de sa patiente.

A cet égard, il s'avère que les contre-suggestions de Emmy envers des prescriptions de bains froids, ou encore de consommation d'eau minérale, ainsi que ses refus quand à l'explication étiologique de certains de ses symptômes ou autres propositions, sont justement à ranger parmi les quelques résistances portées à l'encontre de la thérapie.
Des résistances exprimées par exemple sous la forme initiale d'une ignorance portée à l'endroit de certaines interrogations du thérapeute, alors qu'en lieu et place d'un " je n'en sais rien " (à entendre ici plus exactement dans le sens d'un ''je n'en veux rien savoir'') se dévoilait finalement, par delà la défense, les véritables motifs des accès d'un malaise.
Une patiente qui toutefois (somnambulisme aidant) ne présentait guère ce genre de manifestations.


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Un résultat thérapeutique jugé par son auteur pour avoir été dans l'ensemble "très considérable mais de peu de durée" [Ibid., p.79] et ce, sans qu'il lui soit possible d'estimer la part à accorder d'une part à l'utilisation de la suggestion et d'autre part, à celle attribuable à l'abréaction des affects pathogènes. L'un et l'autre ayant été utilisés de façon simultanée.
Sachant que seuls les symptômes morbides ayant été soumis à une analyse psychologique de la part de S. FREUD ont été éliminés de façon durable.

Aussi la malade continua t'elle à réagir de façon anormale à la suite de nouveaux traumatismes. Elle consulta d'ailleurs régulièrement de nouveaux thérapeutes afin de tenter de palier à ce genre de défaillance, ainsi que de reproduire vraisemblablement un même schéma comportemental à l'égard de sa pathologie.







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