II - ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES & PRÉSENTATION DU PERSONNAGEEmmy voit le jour en 1848 dans une ancienne province baltique de la Russie : la Livonie, lieu de résidence familiale depuis deux générations, faisant suite à des antécédents vécus en Allemagne centrale. Possesseurs d'une grande fortune, ses parents avaient eu 14 enfants dont elle étaient la treizième et dont 4 seulement étaient encore en vie en 1889 (à l'heure de sa rencontre avec Sigmund FREUD). "Elle a été élevée avec soin, mais aussi avec rigueur , par une mère sévère et d'un dynamisme débordant", et se reconnaît les mêmes habitudes alimentaires que son père, "lui aussi petit mangeur", (le seul élément rapporté sur ce dernier) [Voir les Etudes sur l'hystérie, S. Freud, p.36 & p.62]. A l'âge de 23 ans, Emmy épousa un richissime homme d'affaire de 40 ans son aîné, déjà père de deux fils et qui, à sa mort, trois ans après leur mariage, lui légua toute sa fortune. Elle prend contact avec S. FREUD alors qu'elle est âgée de 40 ans, veuve et mère de deux filles, elles aussi atteintes de troubles nerveux de type névrotique. S. FREUD nous décrit alors scrupuleusement "une femme paraissant encore jeune, aux très expressifs", " l'expression de son visage est crispé, douloureuse, les yeux sont clignotants, le regard est dirigé vers le sol, les sourcils froncés, les plis naso-labiaux prononcés. Elle parle avec effort, à voix basse, interrompue de temps en temps par un trouble spasmodique de la parole allant jusqu'au bégaiement. En même temps elle agite continuellement et spasmodiquement les doigts qu'elle tient entrelacés. On note de fréquents mouvements convulsifs de la face et des muscles du cou dont certains (...) font saillie. En outre elle s'interrompt souvent de parler pour émettre un bizarre claquement de la langue que je ne parviens pas à imiter. Ses phrases sont parfaitement cohérentes et dénotent, de toute évidence, une intelligence et une culture peu ordinaire" [Ibid., p.35-36], (...). "Elle a fait de nombreux voyages" et "s'intéresse vivement à beaucoup de choses" [Ibid., p.37]. "En dehors de ses états hystériques, elle se montrait réservée, presque guindée dans ses gestes et ses expressions" [ Ibid.p.71] ; une personnalité "hypersensible et affectée d'une tendance à la dépréciation d'elle même"[ Ibid.p.50] . Très soucieuse du jugement d'autrui à son égard ainsi que de la tenue irréprochable de son propre comportement vis à vis d'elle même et de sa relation à l'autre ; ce qui me semble corroborer l'existence intrapsychique d'un surmoi soumis très probablement à de puissantes exigences. "Ses impressions étaient très intenses et, douée d'une nature ardente, elle pouvait se montrer très passionnée" [Ibid., p.80]. Aussi , de nombreux événements retenus pour traumatisants jalonnent t'ils son existence, et ce de telle sorte qu'ils constituent la plus grande part de ses souvenirs, de son histoire, par bribes, essentiellement sous forme de traumatismes, et dont voici quelques extraits nous permettant de faire une esquisse des éléments pathogènes les plus représentatifs de la maladie : - "à l'époque ou j'avais 5 ans" dit elle, placée sous hypnose, "mes frères et soeurs me lançaient fréquemment des bêtes mortes ; c'est alors que je me trouvait mal pour la première fois, avec accompagnement de convulsions. Mais ma tante déclara que c'étaient horrible et qu'on ne devait pas avoir de pareils accès. Alors ils ont cessé. Ensuite, à 7 ans, quand je me suis trouvée, sans m'y être attendue, devant le cercueil de ma soeur, puis à 8 ans, quand mon frère revêtu de linges blancs jouait au fantôme pour me faire peur ; à 9 ans, quand je vis ma tante dans son cercueil et que, tout à coup, son menton se décrocha" [Ibid. p.39]. Une tante qui souhaitait voir sa nièce ''convertie'' à la foi catholique et qui du avoir un rôle particulièrement important dans l'existence de la patiente. -- A l'âge de 15 ans, Emmy découvrit sa mère gisant sur le sol après une attaque cardiaque de laquelle elle parvint à se remettre. Seulement, 4 ans plus tard, de retour à la maison, elle trouva sa mère morte et défigurée. -- L'histoire d'un cousin également, original et borné auquel ses parents avaient fait arracher toutes les dents en une seule séances fut rapporté par Emmy et accompagné de tous les signes de l'effroi en répétant plusieurs fois sa formule de protection : "restez tranquille ! - ne dites rien - ne me touchez pas" : . Le "ne bougez pas", explique t'elle, se rapporte d'une part, à des pensées angoissantes, alors que tout s'embrouille et, d'autre part, au fait que les figures d'animaux semblent entrer en mouvement et se précipiter sur elle dès que quelqu'un remue. . Le "ne me touchez pas" tient sa part au fait que son frère, rendu très malade par la grande quantité de morphine qu'il prenait à 19 ans, l'empoignait souvent tout à coup. Un type de comportement qui s'est d'ailleurs reproduit par la suite de la part de deux autres personnes, alors qu'un peu plus tard, à l'âge de 28 ans, Emmy faillit être étouffée par sa plus jeune fille : Une fillette appelée du même prénom que sa mère (ce qui vaudra d'ailleurs un nouveau symptôme à Mme Von N.) et qui, rendue gravement malade, l'avait serrée violemment dans son délire. -- Aussi Emmy énonce t'elle peu à peu la raison d'abord insoupçonnée et voilée par un premier souvenir, de son bégaiement. Ceci avec une grande agitation et un langage spasmodique. Des emportements susceptibles d'atteindre des accès de confusion mentale (des ''tempêtes sous le crâne'', pour reprendre l'expression métaphorique de la malade). -- Effrayée par ailleurs par tout événement à caractère de nouveauté et de surprise qu'elle connote systématiquement à un sentiment de vif déplaisir et de crainte particulièrement marquée. Une peur exprimée notamment par des claquement de la langue ou autres difficultés d'élocution. Au regard de souvenirs de personnages masculins plus particulièrement, ainsi qu'à l'égard des asiles d'aliénés, etc., à moins de se remémorer ou même d'halluciner de petits animaux du type du rat ou du crapaud, et leur surgissement impromptu en sa présence. Soit, des représentations visuelles fréquemment évoquées pour source de ses angoisses, alors que Emmy était par ailleurs très myope et astigmate. Il semble toutefois que ce soit le décès de son mari qui constitue somme toute l'événement le plus touchant et le plus dramatique de l'histoire de Emmy. Ceci non seulement à considérer la souffrance inhérente à la perte brutale d'un être cher (quand bien même était elle prévisible du fait de son grand âge) mais également du fait de l'ensemble des circonstances qui s'y sont ajoutées de façon consécutive : Ceci sachant qu'un réel surmenage du fait de nombreuses activités cumulées n'avait pas du être très favorable à la santé mentale fort éprouvée d'une femme, mère, socialement très active et attachée à la direction d'une importante firme industrielle. Quand bien même sa pathologie hystérique existait plusieurs années avant l'apparition des symptômes de surmenage. _________________________ Soit, un vécu traumatique particulièrement marqué, supporté de surcroît par une activité mnésique spécialement vivace à laquelle son analyste nous propose d'ajouter une hérédité névrotique à titre de prédisposition psychologique à la maladie. Aussi se présente t'elle à l'enseigne de la cure analytique alors que depuis plusieurs mois, son état va de mal en pis. Déprimée et souffrant d'insomnies, malgré un suivi médical rigoureux, elle s'en remet aux conseils de l'éminent médecin psychothérapeute de la Rathausstrasse viennoise. |