" Regard sur la psychologie du conte.
Etude expérimentale d'un conte pour enfant"









L'ENTRETIEN, COMMENTAIRES




I - La retranscription du souvenir

En premier lieu, Louis tente de généraliser le conte, de ne pas en retenir les particularités :
" C'est un conte comme tous les autres contes ", " pas de personnages marquants " .

S'agit t'il d'une tentative de distanciation ? :
''Après tout ce n'est qu'un conte'', pourrait-on entendre.

Louis ne semble pas, à ce moment de l'entretien, et si abruptement, être enclin à signaler ce qui justement pourrait lui faire signe.

Il réalise un synthèse du récit et met en évidence l'ouverture proposée au décours des aventures, à savoir : un dénouement libérateur qui met fin à une situation conflictuelle.
Il recherche ensuite à classifier certains éléments à la façon d'un clivage en bons ou mauvais objets.

Le diable malgré sa méchanceté est " plus facile à cerner " : c'est un méchant présentant moins d'ambiguïté que le jeune homme vu comme dépendant, désespéré et beaucoup ''moins facile'' à repérer que le précédent. Ce dernier présente une position de désoeuvrement susceptible d'illustrer les moments de doutes et de difficultés de l'enfant, mais semblant cependant en inadéquation avec une inclinaison héroïque.
L'évolution du diable n'est pas retenue en premier lieu. Il est placé en personnage immuable, mauvais et ne manquant de rien.
Il deviendra toutefois " bête " et peut-être " faux diable " .
L'importance de ses pouvoirs maléfiques semblant aller en déclinant au fil de l'entretien.
La jeune fille n'est pas citée en tant que principale alors même qu'il semble d'abord l'avoir oubliée.



II - Des oublis


Peut-on envisager ces apparences en terme d'actes manqués ? :

- La jeune fille.

- Seuls deux travaux sur trois ont été retenus (le diamant en haut du mât puis la bague dans la mer). Il en fait une description assez évasive.
La première épreuve du bois à couper (la moins ''intéressante'' peut-être) n'a pas été reprise.

- Les trois nuits sont éludées également. Louis doit réentendre le résumé de cette séquence pour se la remémorer. Et de retenir tout particulièrement que le diable n'est pas content du fait de son désir déçu de voir mourir le jeune homme.

- Les animaux féroces sont remplacés par des chiens.
Leur aspect, plus courant, vient rétablir la notion de réalité et de crédibilité, en maximisant la probabilité des événements, et traduit peut-être l'expression d'une crainte personnelle.

- La scène de transformation en jardinier / laitue / puits est comprise en un " hôtel " .
Quelque peu dérouté à cet endroit, Louis condense une scène oubliée. Aussi, me permettrais-je de voir en cette condensation, une connotation sexuelle refoulée, qui aurait probablement gagnée à de plus amples commentaires.

- La transformation de la jeune fille en petit oiseau pose question ..., et s'apparente finalement à la métamorphose de l'aigle en petit oiseau. Un aigle qui par ailleurs semble être particulièrement significatif pour Louis.



III - Les thèmes retenus


- La fortune

- L'aigle et les sorcières

- La mort du jeune homme ''pour'' que le diable ait son âme

- Les trois travaux

- La fuite

- Et la scène du petit oiseau ? : " C'est le sujet de l'aide ", " l'oiseau ça n'est pas un sujet à lui tout seul. Et puis c'est encore la fille : ça n'est pas un sujet "



IV - Des questionnements, à la recherche du sens et des liens

La mère, à la différence du père, qui lui est trop bête pour ce faire, " lit dans les pensées : parce que c'est une mère et (ironique) parce que c'est une sorcière. "
C'est une sorcière ; une diablesse..., mais qui n'a pourtant " pas l'air d'une diablesse " .
Louis s'attache tout particulièrement à une interrogation à propos des scènes de transformation qu'il se voit représentées ainsi que des unités sans lien dans le désert : il semble chercher le lien avec l'environnement, le lien entre les scènes : une articulation.

Il se questionne à propos de la mort, d'une vie sans âme : " C'est un peu idiot... tuer " .

Aussi, l'aigle s'acquitte d'une dette ; il va même au-delà, par pure générosité.
Louis s'en étonne : chaque action devrait-elle avoir son dû ?
Une problématique qui resurgira quant à l'altruisme des vieilles sorcières qui, de part leur nature, devraient vraisemblablement être méchantes.

A son avis, les jeunes gens ne s'aiment pas particulièrement, mais souhaitent surtout partir, la fille plus que l'homme (une remarque qui ne doit très probablement pas être sans rapport avec ce que Louis comprend du positionnement de sa soeur aînée vis à vis de ses parents).

La " cendre " qu'il suppose, en conclusion de l'incendie provoqué la troisième nuit par le diable, devrait selon toute apparence mettre un terme au sommeil.
De la même façon qu'un deuil définitivement accompli.

Un questionnement à propos du petit orteil également :
A t'il été restitué ?
Une mutilation énigmatique selon lui, qui semble poser la question de la perte en tant qu'elle est définitive ou non.
En d'autres termes : est-il possible après coup de revenir à un état de complétude ? ; qu'en est-il de l'objet perdu ?.

Sur ma demande de modifier l'histoire, Louis constate d'emblée un manque d'énergie pénalisant le diable (et non plus le jeune homme).
Il préfère en définitive intervenir en dynamisant le jeune héros d'une façon des plus radicales, et choisi d'être le jeune homme, bien qu'il n'ait pas les pouvoirs de la jeune fille.
Des pouvoirs qui, après réflexion pourraient toutefois lui servir dans certaines situations.

Le manque d'âme est volontiers transposé en argent que l'on doit conserver et défendre assidûment :
Une perte à éviter.
L'argent considéré en terme de pouvoir.

Louis aurait " jeté " toute la famille pour finalement ne plus jeter que les parents.
Il serait parti seul tout d'abord, semblant se suffire de son propre pouvoir (comme s'il était approprié la magie), pour finalement, après réflexion, voir l'avantage d'un départ avec la jeune fée... sa baguette, ses pouvoirs, en renfort d'aventure.
Une magie, un pouvoir qui au préalable lui faisait défaut et lui défendait une quelconque identification à la jeune fée.



V - Les résistances perçues lors de l'entretien


< Il est notable que Louis fait une reprise du schéma scolaire de type explication de texte pour commentaire du conte, ce qui vient mettre un frein au développement imaginatif de l'enfant.

Un schéma que l'on voit se placer ainsi qu'une défense qui viendrait faire barrage à une ''vérité'' ne sachant se dire.

Il oublie certains éléments ce qui, lorsqu'il s'en aperçoit, suscite un instant de confusion qui le laisse perplexe. Il tente alors de chercher une suite logique dans le texte en se raccrochant aux détails de la narration et s'efforce aussi de bien différencier le conte et la réalité.
Les comparaisons suggérées sont au début niées mais cependant pour la plupart, après coup, réfléchies.



VI - La séance du dessin


Fort bien venu, le dessin est pour lui un moment de détente et de laisser aller. Il me spécifie qu'au début, les dessins seraient seulement fait pour s'amuser et que par la suite il en ferait un plus sérieux dont je pourrai me servir pour mon travail (il ne sera jamais réalisé).

Louis laisse alors ses résistances de côté et suit son imaginaire dans la bonne humeur et le silence.

Un peu plus tard, il me fait part du fait que l'on allait probablement le prendre pour un " gogol " mais finalement précise qu'il ne s'en soucie guère. Comme si un besoin se faisait sentir de jeter sur la feuille un trop plein qui n'aurait pas pu être formulé lors de l'entretien. Un besoin plus fort que d'éventuels jugements sur son travail, qui a su s'exprimer par l'intermédiaire des crayons, en ignorant pour cette fois la perspective esthétique qui aurait pu venir censurer l'expression. Ceci notamment du fait de son âge, particulièrement sensible à la question esthétique, d'autant plus que Louis est très entouré de proches spécialement avancés dans le domaine du dessin réaliste.

Deux dessins seront donc très rapidement réalisés et serviront à ponctuer la séance destinée à la Montagne Verte.

Louis ne se prêtera pas volontiers à la proposition d'un commentaire sur ses réalisations.
Il en avait maintenant assez dit ...