Brèves






... Quelques-unes des bribes de conversations extraites de mon séjour de stage au Service Médical d'Urgence et de Réanimation de Cholet (octobre 1997 à mai 1998) :




« Ici, c’est comme au jeu de l’oie, on ne sait jamais sur quelle case on va tomber »

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« Le lieu des courants d’air »

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- Une infirmière : « L’équipe ?!, elle est plutôt bien portante ; elle est soudée, c’est le principal. »

- Un infirmier : « Une équipe soudée !? ; rien du tout oui ; complètement dispersée plutôt et surtout depuis la nouvelle organisation. »

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On se rend compte

Une infirmière :
- On se rend compte, on n’est pas bête, on se rend compte qu’on ne fait pas toujours ce qu’il faudrait ; que la relation avec les patients est parfois mal gérée, brusque ; sans tenir compte du sensible, du coté traumatisant de la situation qu’ils sont en train de vivre ; alors que nous, à la limite, on rigole. Il y a un décalage relatif à l’état d’esprit qui peut-être phénoménal pour les gens. Par exemple ceux qui voient ici le commencement d’une nouvelle vie du fait de conséquences pour eux de ce qui se joue actuellement. »

Un infirmier :
- Avec le temps, on se rend compte des dangers de nos gestes : décider du bon moment, faire vite, on a pas le temps de réfléchir.
On se rend compte de nos responsabilités ...

On se rend compte que plus on a de l’expérience, moins on sait comment faire.

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- Simone, 40 ans, déprimée ; Le visage marqué, pâle, cerné ; Diaphane, très affaiblie. Dit s’être effacée pour son ami. « Frustrés » l’un et l’autre,...elle sourit. La relation qu’ils entretiennent se passe très mal : « on est toujours malade » ...et contre l’avis du médecin, elle refuse toute séparation. Elle entretient par ailleurs des fantasmes tactiles « mais pas sexuels » avec son radiesthésiste.
Par héritage semble t’il :
« oui, alcoolique ; comme mon père », elle boit. Sa voix est très faible.
Fréquemment accueillie aux urgences et dans les services de psychiatrie plus particulièrement, elle refuse d’y retourner ;... dans d’autres services, éventuellement. Elle se plaint de nombreuses souffrances autant physiques que psychiques et suit actuellement un régime particulièrement draconien. Elle mange
« mal », nous dit elle et est susceptible de passer du rire aux larmes en moins de temps qu’il ne faut pour le dire...

- Le médecin : « mais qu’est-ce qu’on va faire de vous ? »...

« faut être forte ! »

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M. - A.S.H. : « faut percuter! : les bons gestes au bon moment. »

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- Un infirmier récemment affecté aux urgences : « Le plus difficile ? »
« ...Essayer d’avoir un langage clair. Ça, c’est pas évident ; On a pas été formé pour ça ».

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- Une infirmière ; parmi les aînées :« faut savoir penser à soi aussi : ne pas penser à soi, donner donner, et ça te retombe dessus. »

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- De la part de la direction tourmentée: « Moi, je ne déshabille pas Pierre pour habiller Paul » - Réaction d’un soignant : « ça, c’est diviser pour mieux régner .»

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- Mr R commence à s’agiter sérieusement sur son lit dans un couloir littéralement encombré par une bonne dizaine de lits roulants. Il réclame secours à plusieurs reprises ; Les infirmières fourmillent un peu partout dans un service surchargé ; Personne ne s’arrête :

« Y'a donc personne pour me remonter le drap ; J’ai froid ; Je ne sais même pas ce que je fais là ; ça fait des heures que j’attends ; Ils m’ont dit d’attendre, alors j’attends... »

La stagiaire psy : « Qu’est ce que vous avez ? »

Mr R : « Je sais même pas, j’ai froid, j’attends ; Je sais même pas qu’est ce que je fais là.»...

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- Marcel, avec énormément de difficultés à s’exprimer
: « je sais comment on fait pour mourir »

La stagiaire psy : « Et c’est quelque chose qui vous fait peur ? »

Marcel : « Non... c’est la première chose que j’ai a dire aux médecins : la Pénicilline.
Je ne savais pas... j’ai ressenti... et depuis, j’ai une faiblesse. »

La stagiaire psy : « Une défaillance ? »

Marcel : « sans doute, ... je crois. »
« Je ne trouve pas mes mots. »

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- Un soignant au sujet du Dr P. : « Il m’aime mais il ne veut pas me le dire. »

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WATER OFF THE DOCK’S BACK

- Mr J.M.D. : Vitrier sur Glasgow, Jersey... St Malo... ; Minuit passé, il vient de se faire agresser (lacrymogène et contusions), dépouiller de tout ses effets personnels au sortir d’un pub.

: « Je ne suis pas paranoïaque moi, les autres, tout le monde... , le médecin là, il ne m’aime pas. »

{Un interne somme toute très froid à son égard effectivement : « il a bu !. ... Les ¾ des nuits sont occupées par des alcooliques ...et souvent S.D.F, sans travail... », me dira t’il presque dégoûté} :

« Le personnel... ils sont méfiants à mon égard. ...Il faut voir par derrière la lumière... pas en face. »

- La stagiaire : « Pourquoi ? »

- Mr J.M.D.: «C’est mon caractère, j’ai mauvais caractère.

Les mots, c’est différent quand on les lit de lorsque c’est quelqu’un qui les dit.
Le fait d’associer chacun des choses différentes pour un même mot (...).


Ils étaient quatre, masqués, ...avec une bombe...

Il n’arrêtait pas..., les autres me tenaient pour m’empêcher de partir ... ça me brûle, les yeux, sur tout le visage, les mains ...

Une émotion et je pleure,... mais pour certaines choses : Water off the dock’s back.
C’est ce qu’on dit en Ecosse : Comme de l’eau sur les plumes d’un canard.

Mais là, non : Oeil pour oeil, dent pour dent ; La devise du roi Arthur : répondre de la même façon qu’eux.
Ils m’ont tout pris, ma montre, tout, mes papiers... mes clefs mon argent, je ne peux même plus rentrer chez moi... même pas de quoi me payer un taxi et ils ne veulent même pas que je reste ici...
... je voudrais les tuer avec une balle dans la bouche ...non, ça n’est pas assez...
Et la police ne fait rien..., ils ont peur. »

- La stagiaire : « oui...
mais c’est aussi entrer dans la même logique que l’agresseur. »

- Mr J.M.D. : « Je ne peux pas ne pas réagir, je suis un homme quand même ; ... Je suis sourd ; ...On va pas se mettre à pleurer quand même. »

Il ne voudra pas décrire plus avant ce qu’il peut retenir de l’agression, souhaitant « le garder », me confira t’il, « pour ‘’déposer’’ plainte ».

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AU NOM DE L’ETHIQUE : réunion rassemblant 5 brancardiers, deux A.S.H. et une infirmière du S.M.U.R.

- « Certaines fois la responsabilité est inassumable ; d’un point de vue médico-légal la transgression est forcée »
... « Il y a obligation de prise en charge à partir du moment ou la personne a franchi le seuil des urgences : elle est à retenir et ce, même hors de l’enceinte du lieu. Il y a un risque d’accusation de non assistance à personne en danger ; risque professionnel de perdre sa place pour irresponsabilité »

~ « On se trouve sur une corde raide : on a le devoir de retenir des malades pour lesquels il est estimé qu’ils courent un risque, un grave danger »
...« A coté de cela, il y a le fait de les laisser partir comme d’accepter leur choix et ce notamment lorsque la proposition verbale ne suffit plus et qu’il en devient nécessaire d’en venir aux mains »
...« On est les premiers appelés en cas ‘’d’agitation’’ et dès fois ça va assez loin... avec les éthylo, les alcoolo surtout... on peut-être poussé à bout et certaine fois c’est pas toujours évident de se retenir ... les insultes, les coups ...
Il y a le ‘’cabanon’’, ‘’la chambre rose’’ pour les agités ; ils y sont même mis dès fois un peu rapidement ; surtout avant ; pour les calmer, s’en débarrasser.
Le fait de l’attente n’arrange rien. »

- « la solution peut être de prétexter la fugue ; déposer le fait au commissariat de police pour décharge »

~ « oui mais malgré le fait de téléphoner à la police on est pas déchargé pour autant et certaines fois les flics ne veulent pas prendre en compte nos dépositions... c’est pas leurs affaires. »

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A propos de locaux qu’il serait question de supprimer (brancardiers, A.S.H., infirmières) :

- « l’information passe très mal. Au niveau des médecins on dirait qu’il semblent ne pas faire suivre ; ne pas considérer les demandes. Rien qu’au niveau du chef de service déjà »

~ « Par dépit à la limite, mais par dépit je dis bien, je quitterais le service ; ça ferait une charge de travail beaucoup trop lourde . »

- « pour moi il n’y aurait pas de changement »

~ « ça créé des tensions en tout cas ; certains en profitent pour régler leur comptes. »

- « C’est stressant, et au niveau de la coordination et de la cohésion c’est carrément chaotique »

~ « en ce moment on dépense beaucoup d’énergie à travailler d’une part puis à penser en plus, avec ce problème ... Il faut qu’il y ait mort d’homme ou quoi pour qu’ils réagissent? »

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EVACUER : (Brancardiers, A.S.H., infirmière)

- «Pour la question du changement, y’a pas de routine, on n’oublie rien mais on y pense plus, plus rapidement, de plus en plus rapidement. On a aussi besoin de faire le vide - de temps de pause de temps en temps »

~ « moi, si je n’ai pas eu le temps de faire le vide pendant le trajet de l’hôpital à chez moi, ça ne va pas. S’il reste encore quelque chose c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas »

- « Des massages, de la relaxation, ne pas s’énerver.

Des formations ont été organisées : le stress, comment gérer le stress...»
~ « Toi tu assumes, tu n’en as pas besoin ! »

- « Des formations délivrées au compte gouttes toutefois : on a des parents pauvres à l’hôpital »

~ « Moi, je serai peut être mort après les fêtes : alors Bonnes Fêtes.

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- Un homme, aux suites d’un infarctus :

« Peur ?! - j’ai pas eu l’impression d’être aux portes de la mort, pas conscience en tout cas. C’est quelque chose qu’on attend pas....

...A partir de maintenant, ma vie ne sera plus pareille qu’avant. »

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