Lisbeth MATHÉ et Hélène JACQUET, en poste officiel de sapeurs-pompiers volontaires et fonction de psychologue sur l'ensemble du département d'Indre et Loire, ont accepté de m'accueillir au lieu de leur pratique, en vue d'échanger les discours respectifs à propos des enjeux de la profession perçus dans les différents services de secours.
Une entrevue venant peu après l'organisation d'un colloque prévu pour l'ensemble des psychologues concernés par cette pratique (une quinzaine en France en 1998). Première journée d'étude d'un projet qui devra être reconduit chaque année à laquelle je n'ai pas pu assister mais qui en revanche à permis a posteriori l'élaboration d'un échange dès lors plus cossu et plus en correspondance avec des éléments du global de la réalité. Aussi me semble t il à propos de retranscrire à présent les axes principaux retenus pour l'essentiel des applications de la psychologie ayant cours dans les services de secours d'Indre et Loire : 1 - Un projet de formation à l'égard des sapeurs-pompiers Un projet de formation à l'étude au moment de l'entrevue, et concernant tout particulièrement la prise en charge psychologique du secours, couplée à une élaboration en cours et déjà bien avancée sur le thème du stress . Un article a d'ailleurs été consacré au sujet du stress dans la revue du sapeur-pompier de novembre 98 : ''Des psychologues pour désamorcer le stress'' - dans lequel Lisbeth et Hélène répondent de leur pratique et font part du résultat d'un questionnaire mis en place pour l'ensemble des services d'Indre et Loire en vue d'évaluer les besoins et de cerner les demandes des sapeurs-pompiers et ainsi de mieux cibler leur travail. 2 - Une intervention auprès des victimes Sur demande. De la part des familles surtout et ce du fait du décès d'un proche le plus souvent. Un travail post-traumatique pouvant également s'appliquer auprès des sapeurs-pompiers et comprenant deux phases essentielles : Le diffusing et le debriefing [A noter à ce sujet que le terme de ''traumatique" renvoit à un concept fréquemment utilisé et ce voir même à outrance, vis à vis duquel je propose au lecteur de se reporter à la définition du ''traumatisme psychique '' relevée dans le Vocabulaire de la psychanalyse, P.U.F., Paris, 1967. Et principalement, à considérer le fait d'un événement du vécu du sujet amenant un " afflux d'excitations qui est excessif, relativement à la tolérance du sujet et à sa capacité de maîtriser et d'élaborer psychiquement ces excitations ", ainsi que "le bouleversement et les effets pathogènes durables qu'il provoque dans l'organisation psychique ", et " l'incapacité où se trouve le sujet d'y répondre adéquatement ", p.499] 2.1 - LE DIFFUSING Il s'opère généralement sur les lieux du choc émotionnel par la mise en place de cellules de crises accueillant les victimes. Des emplacements spécifiques répartis par catégories symptomatiques, par nationalités (éventuellement) et par classes d'âge, permettent de protéger l'intimité des personnes et de favoriser des entretiens brefs et délicats au cours desquels le sujet est invité à parler. Un rôle de contenance surtout. Sachant de surcroît que les soignants avertissent les victimes des éventuels symptômes à venir. En vue de prévenir du caractère de normalité d'éventuels contre coups tels que les troubles du sommeil, les cauchemars, l'angoisse, les crises nerveuses..., qui sont les ''états réactionnels'' typiques venant aux suites de telles occurrences . Aussi les psychologues informent-ils d'un possible recours à venir auprès de thérapeutes. Sachant que des benzodiazépines à visée tranquillisante sont alors monnaie courante pour soin médical approprié à ce genre de situation. 2.2 - LE DEBRIEFING En post-traumatique toujours, et sur demande. Dans les jours suivant la catastrophe. Alors qu'il est de bon conseil de ne pas faire tarder la prise en charge. Il s'agit de l'organisation ponctuelle d'une séance collective placée d'emblée sous le sceau du secret et s'inspirant des effets du groupe pour faciliter et maximiser l'abréaction des affects liés au choc et ainsi atténuer ses conséquences à venir sur l'humeur et le comportement des individus. Aussi le thérapeute compte t il sur les enjeux de l'imaginaire, et tout particulièrement celui de l'identification à un vécu commun, pour contrecarrer par exemple de graves réactions d'introversion qui se révèlent avoir bien souvent des conséquences ravageuses d'un point de vue psychopathologique. Et ce même sans considérer les éventuelles retombées sur le plan organique. Le mode identificatoire s'avère en effet être un moyen propice pour opérer à une première mise à distance d'une représentation personnelle qui est impossible à communiquer (et ce d'autant plus qu'elle est vécue isolement). Parler d'une identification projective serait d'ailleurs probablement plus à propos, dans le sens ou l'individu va également être en mesure de projeter ce qu'il ressent sur un autre que lui-même. Quoiqu'il en soit, et ce par l'intermédiaire d'une offre tout d'abord, puis de propos comprenant et témoignant des effets d'un vécu similaire : la représentation du choc devient dès lors plus abordable. Ainsi la séance peut-elle permettre un arrimage sur l'extérieur et l'accès facilité à une symbolisation individuelle. Une libération encouragée de surcroît par les sollicitations des autres intervenants. 3 - Proposition d'une permanence prévue pour des consultations individuelles réservées aux personnels des centres de l'ensemble du département Des entretiens individuels qui ne s'étendent généralement pas au-delà de trois séances et qui sont établis sur rendez-vous tous les jeudis de 14h à 18h. En vue principalement de " cerner un noyau problématique " (Hélène Jacquet) , ou bien encore de faire le point sur une situation individuelle familiale ou professionnelle difficile à assumer. Soit, des soutiens ponctuels plutôt que de véritables suivis thérapeutiques, sachant qu'il peut-être envisagé durant ces séances, l'utilité d'un suivi psychothérapeutique, une psychanalyse ou autre dénouement, externe à la caserne avec un spécialiste. |